Luc Chatel à La Croix : « Le Mondial doit devenir la vitrine de la mobilité »
11 juin 2019 - Entretien - Face aux mutations profondes de la mobilité, Luc Chatel, président de la plate-forme de l’automobile, estime que les industries françaises et européennes peuvent être à l’avant-garde, y compris dans le domaine des batteries, à condition de se mobiliser.
La Croix : Comment analysez-vous l’échec du projet de fusion entre Renault et Fiat-Chrysler ? S’agit-il d’une occasion manquée ?
Luc Chatel : Soulignons d’abord que cette offre de Fiat-Chrysler met en lumière, s’il en était besoin, l’attractivité de Renault et de l’Alliance. Fiat-Chrysler n’a pas souhaité poursuivre la discussion, c’est ainsi. Mais je comprends et je partage la déception du Groupe Renault qui a vu dans cette proposition une opportunité, en termes industriels, financiers comme de leadership sur le marché mondial.
Le salon Movin’on des nouvelles mobilités vient de s’achever à Montréal. Quel bilan dressez-vous de cette manifestation ?
Luc Chatel : Cet événement réunit de manière très innovante, en un même lieu, tous les acteurs de l’industrie automobile et des nouvelles mobilités : les autres modes de transports, les énergéticiens, les télécoms, les services connexes, les décideurs publics…
C’est tout cet « écosystème des mobilités du futur » que je souhaite aussi réunir au Mondial à Paris, dès la prochaine édition à l’automne 2020. Aujourd’hui, le Mondial est un salon grand public avec un succès qui se chiffre à un million de visiteurs. Nous devons saisir l’opportunité d’y adosser un événement « B2B », de professionnels à professionnels, fort et structurant.
La France a inventé l’automobile au XIXe siècle, puis Paris en a été la capitale en inventant le salon de l’auto et a accompagné son évolution. Aujourd’hui, nous faisons face à des innovations sans précédent dans le domaine de la mobilité, le Mondial de Paris doit de plus en plus en devenir leur vitrine avec tous les acteurs du système, y compris les start-up.
L’automobile n’est plus au centre du jeu ?
Luc Chatel : Être au centre du jeu, c’est s’inscrire au cœur de trois révolutions simultanées comme le secteur n’en a jamais connu depuis sa création, et qui attirent de nouveaux acteurs. Une révolution technologique, avec la montée des alternatives au moteur thermique ; la révolution numérique qui fait de la voiture l’objet connecté, bientôt autonome, le plus intelligent, et enfin la une révolution sociétale qui transforme les constructeurs en opérateurs de mobilité. Demain, on achètera moins de voitures, on achètera des minutes de mobilité, sans chercher à savoir qui produit ce service. L’industrie automobile est à l’avant-garde de ces transformations en France.
Le projet d’un Airbus de la batterie peut-il réussir ?
Luc Chatel : L’initiative du gouvernement français, aux côtés de Berlin, pour développer une filière batterie en Europe, va vraiment dans le bon sens. Il est clair qu’on ne peut pas d’un côté souligner le déplacement de la chaîne de valeur du secteur automobile vers l’Asie, où se concentre aujourd’hui l’essentiel de la production de batteries aujourd’hui, et de l’autre rester les bras croisés en Europe.
Il est très important maintenant de mettre le projet en musique en misant tout l’effort de recherche et développement des Européens sur la prochaine génération de batteries. Rien n’est perdu aujourd’hui car ces technologies évoluent très vite, donc il est possible de se positionner sur la technologie d’après. Une chose est sûre : on ne gagne jamais les combats que l’on ne mène pas.
La plate-forme automobile réunit Renault et PSA, les quatre grands équipementiers (Valeo, Faurecia, Plastic omnium et Michelin), et toutes les fédérations des PME de l’auto, soit 4 000 entreprises.